lundi 29 septembre 2008

Des voix ment(ent)



"de tertulia" se contente parfois de copier/coller des articles ou des contributions au débat ou à la polémique, voire au pamphlet tout simplement parce qu'il n'y a pas grand-chose, du moins sur le vif, à ajouter.
là, c'est un texte de la cimade paru dans le contre-journal de libé. soit dit en passant, le contre-journal est , avec les chroniques de pierre marcelle et quelques pages littéraires ou certains textes des "rebonds", voire , épars, des critiques ciné ou artistiques, le seul argument de poids qui différencie ce quotidien des autres. la palme du foutage de gueule revenant aux pages éco, société et aux terribles portraits qui achalandent la dernière page.
bref. la cimade.lisez et vous verrez comment insidieusement tout se dévoie et que ce dévoiement se planifie. les voix des sansvoix ? comment ? pardon ? ...ah, rien..j'avais cru entendre.


La dignité et le droit des personnes ne sont pas des parts de marché !»



«Nous sommes tombés des nues à la lecture du décret publié le 23 août par le ministère de l’immigration», rapporte Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade. L'accompagnement des étrangers en rétention serait éclaté en «huit lots» ouverts aux «personnes morales» par appel d'offres. «Le nouveau dispositif, s’il est maintenu, représenterait une régression et un alignement vers le bas.» Décryptage.




Laurent Giovannoni. « Lorsque la Cimade a accepté, en 1984, une mission d’accompagnement social des étrangers, c’était le tout début de la rétention et de l’expulsion des sans-papiers. Certains à la Cimade se demandaient si nous ne sortions pas de notre rôle en collaborant d’une certaine façon à une politique répressive. La Cimade a décidé d’y aller pour soutenir les personnes dans leurs droits, pour savoir ce qu’il se passait en rétention et assurer une fonction de contre-poids face à l’administration. De 1984 à 2002, nous avons travaillé sous le régime d’une convention passée avec le ministère des Affaires sociales. Par la qualité d’accompagnement des étrangers et l’expertise des dispositifs, notre intervention s’est trouvée, au fil des ans, reconnue comme une mission d’ONG ayant pour objectif le respect des droits fondamentaux de la personne.


Cette reconnaissance s’est manifestée, en 2001, par la publication d’un décret prévoyant que l’Etat doit passer une convention avec une association de dimension nationale pour « aider les étrangers dans l’exercice de leurs droits » en rétention. Elle s’est transformée juridiquement en marché public en 2003 du fait de l’interprétation par les pouvoirs publics des règles européennes. Le ministère a donc lancé un appel d’offres simplifié en 2003 et en 2006 pour des contrats de trois ans, mais qui ne modifiaient pas la mission d’ensemble dévolue à l’association.

A l’automne 2007, le ministère de l’Immigration nous a fait savoir qu’il avait l’intention - fin 2008 - de modifier le dispositif afin d’introduire plusieurs autres associations pour assurer la mission. Nous y étions favorables, d’autant que nous voulions engager des actions communes avec notamment le Secours catholique. Mais nous posions plusieurs conditions au ministère : que la nature de la mission ne soit pas modifiée, qu’elle soit mise en oeuvre par des associations de dimension nationale et ce en parfaite concertation. En mai dernier, le projet de décret a fait apparaître des exigences nouvelles de la part du ministère : dans un centre de rétention ne pourrait intervenir qu’une seule association ; l’appel d’offres serait éclaté en lots, ce qui contredisait l’exigence d’une mission nationale assurée par plusieurs.

Nous sommes tombés des nues à la lecture du décret publié au journal officiel le 23 août. Non seulement toutes nos demandes avaient été rejetées, mais nous découvrions alors que les « associations de dimension nationale» censées postuler à l’appel d’offres avaient été remplacées par toute « personne morale ». C'est-à-dire qu’un organisme parapublic pourrait présenter sa candidature… Quant à la dimension nationale de l’association, elle disparaît. Les équipes mixtes (et donc la « diversité ») que nous demandions sont interdites dans les centres. Et dans la foulée, l’appel d’offres est éclaté en huit lots géographiques indépendants les uns des autres, et toute « personne morale » peut y postuler. S’ajoutent des clauses de « confidentialité » et de « neutralité » pour une mission réduite à un rôle « d’information ».

Le ministère de l’Immigration veut donc appliquer une logique de marché libéral à la défense des droits des étrangers. Le coeur de notre divergence est là ! On veut faire passer la défense des droits et de la dignité des personnes, fonction des ONG, dans le domaine du marché libéral et de la concurrence entre « prestataires de service ». Nous disons que la dignité et le droit des personnes ne sont pas des parts de marché !

Dans l’action quotidienne, il faut une complémentarité entre les acteurs associatifs, et ce sur l’ensemble du territoire, parce que les étrangers sont fréquemment transférés d’un endroit à un autre. Lorsqu’un bébé de 3 semaines est arrivé en rétention avec sa mère à Rennes, l’arrestation avait eu lieu à Gien, le père avait été transféré au Mesnil Amelot, près de Roissy. Pour avoir un suivi de qualité, il faut que l’association ou la mission soit de dimension nationale. Sinon, la qualité de l’accompagnement et de la défense des étrangers sera très affaiblie.



Alors que les associations ont cette capacité de maîtriser l’ensemble du dispositif, par la connaissance des pratiques préfectorales, policières ou judiciaires, le décret du 23 août et l’appel d’offres nous font craindre la disparition de l’expertise, par l’introduction d’une concurrence absurde en cette matière entre les acteurs (les« personnes morales »). Le rôle de contrepoids qui nous était dévolu sera singulièrement affaibli. Quelle capacité de discussion avec les administrations locales ou centrales peut-on avoir si chacun ne voit qu’un morceau du dispositif ? Ces nouvelles dispositions vont affecter la capacité de témoigner ou de contester des décisions émanant de pouvoirs locaux.

On ne peut pas ne pas relier ces projets à l’approbation de la « directive retour » par l’Union européenne en juin dernier et la banalisation de l’enfermement comme mode de gestion des migrations. Jusqu’à présent, par rapport aux autres pays d’Europe, le dispositif français était celui qui protégeait le moins mal les droits fondamentaux des personnes, grâce aux garanties juridiques existant et à la transparence permise par la présence d’ONG. La France était le seul Etat à confier une mission d’accompagnement juridique et social à une association non gouvernementale. Le nouveau dispositif, s’il est maintenu, représenterait une régression et un alignement vers le bas. »